Le scandaleux amateurisme géostratégique et diplomatique d’Alassane Ouattara au Mali: l’affaire des 49 mercenaires au point mort!

Le scandaleux amateurisme géostratégique et diplomatique du tyran ivoirien Alassane Ouattara au Mali

Par le Dr Franklin Nyamsi Wa Kamerun Wa Afrika

Coordonnateur des SRA (Services de Communication de la Résistance Africaine)

Le 10 juillet 2022, l’Afrique de l’Ouest était secouée par un scandale diplomatique et sécuritaire inattendu. La Côte d’Ivoire et le Mali étaient projetés aux devants de l’actualité politique continentale en raison d’un incident sécuritaire et diplomatique grave entre les deux Etats voisins. Débarquée de deux avions, l’un rempli d’armes et l’autre d’une cinquantaine de soldats issus des forces spéciales ivoiriennes, une partie jugée suspecte de l’armada du dictateur ivoirien Alassane Ouattara était faite prisonnière au Mali. Loin d’être un jour de mariage ordinaire, comme l’est traditionnellement le dimanche à Bamako si délicieusement chanté par les artistes Amadou et Mariam, le dimanche 10 juillet 2022 se transformait immédiatement en cauchemar de l’aventure malienne pour celui qui, au terme de la violation de l’article 55 de la constitution ivoirienne en 2020, s’est octroyé dans la violence et la fraude[1], un 3ème mandat[2] anticonstitutionnel à la tête de la Côte d’Ivoire, après le massacre de plusieurs dizaines de ses compatriotes manifestants aux mains nues.[3]

Plus de trois semaines après l’arrestation et l’incarcération des 49 soldats ivoiriens par les autorités maliennes, il importe en ce début août 2022, pour éclairer l’opinion, de répondre le plus objectivement possible, aux trois questions suivantes : 1) Que s’est-il réellement passé le 10 juillet 2022 à l’aéroport Modibo Kéita de Bamako Sénou ? 2) Que révèle l’arrestation des 49 soldats ivoiriens envoyés le 10 juillet 2022 par le régime Ouattara en territoire malien ? 3) Pourquoi la négociation diplomatique engagée depuis lors pour la libération de ces hommes armés patine, voire se trouve en ce 2 août 2022 au point mort ? Cette tribune affrontera, vous l’avez deviné, ce triple questionnement en trois parties.

Que s’est-il passé le dimanche 10 juillet 2022 à l’aéroport de Bamako Sénou ?

En plein jour, dans l’après-midi de ce dimanche, deux avions en provenance de Côte d’Ivoire atterrissent successivement sur le tarmac de l’aéroport international de Bamako.

         Du premier avion, débarquent 49 soldats ivoiriens, sous le commandement d’un lieutenant, munis de badges de la MINUSMA (Mission multidimensionnelle, qui se présentent comme le contingent NSE de relève des éléments ivoiriens de la MINUSMA. Les premiers contrôles de police révèlent très rapidement le caractère problématique de ce contingent, car les passeports du contingent, loin de faire état de la condition de militaires de ses membres, font plutôt diversion. Le gouvernement malien listera les professions-écrans attribuées à ces militaires lourdement armés et en informera l’opinion malienne, africaine et mondiale : vendeur, étudiant, conducteur, etc. Tout, sauf militaire ! Pis encore, les motifs allégués de la présence de ce contingent varient d’une bouche à l’autre parmi ces 49 intrus. On en dénombre immédiatement quatre : la relève du contingent ivoirien de la MINUSMA ; le soutien logistique au contingent allemand de la MINUSMA ; un soutien logistique contractuel à la société privée SAS (Sahelian Aviation Services) ; une mission confidentielle de l’Etat ivoirien. Le comble de l’affaire, c’est qu’on découvrira vite que ni la MINUSMA, ni l’Etat malien, ni le contingent allemand de la MINUSMA n’étaient au courant de l’arrivée de ces 49 éléments de l’armée ivoirienne ce 10 juillet 2022 au Mali.

Du second avion venu de Côte d’Ivoire, toujours dans le cadre de l’accompagnement logistique de cet étrange contingent ivoirien, débarquent des armes de guerre lourde, non déclarées auprès des autorités maliennes avant leur entrée dans le territoire malien, mais également inconnues des listings de la MINUSMA, qui déclinera toute responsabilité concernant leur introduction au Mali, tout comme elle aura décliné toute responsabilité à propos de ma présence alléguée de ces militaires dans le cadre de sa mission au Mali.

Quelle que soit donc la manière de prendre cette affaire, on reconnaîtra incontestablement ceci : monsieur Alassane Ouattara, au pouvoir au terme du viol de la constitution et de la fraude électorale en Côte d’Ivoire, a illégalement et illégitimement introduit en territoire malien, le 10 juillet 2022, 49 militaires lourdement armés, sans l’autorisation préalable, ni de l’Etat souverain du Mali, et sans la couverture assumée de la mission des Nations Unies présente dans ce pays. Un tel fait se qualifie par les concepts de mercenariat et de déstabilisation d’un Etat souverain. En effet, est mercenaire, selon la terminologie juridique internationale, tout « soldat qui agit pour le compte d’un gouvernement étranger, moyennant salaire »[4]. Par ailleurs, il y a déstabilisation d’un Etat souverain dès lors que sans son autorisation expresse, un tiers individuel ou étatique introduit dans son territoire, des hommes et des armes de guerre. Et c’est bel et bien ce qu’a fait le 10 juillet 2022, le régime ivoirien d’Alassane Dramane Ouattara.

Que révèle ensuite l’arrestation au Mali des 49 soldats-mercenaires ivoiriens d’Alassane Ouattara ?

Un immense scandale à quatre tentacules : un scandale sécuritaire ivoiro-malien ; un scandale sécuritaire ivoiro-malio-onusien ; un scandale sécuritaire ivoiro-allemand ; un scandale économico-sécuritaire ivoiro-malio-germano-onusien. Analysons patiemment chacune des tentacules de l’hydre monstrueuse découverte par le monde le 10 juillet 2022.

Le scandale sécuritaire ivoiro-malien

L’enquête malienne et les aveux officiels ivoiriens révèlent vite que les 49 mercenaires du 10 juillet 2022 constituent en réalité la huitième vague de militaires et d’armes de guerre introduits depuis 2019 par le régime d’Alassane Ouattara au Mali, sous couvert d’une convention NSE (National Support Eléments, ou ENS Eléments nationaux de soutien) avec la mission onusienne au Mali, la MINUSMA. Or, de son côté, l’Etat malien ne retrouve aucune trace, ni d déclaration d’entrées de militaires, ni de déclaration d’entrée d’armes de la Côte d’Ivoire dans le territoire malien depuis 2019. Dès lors la question est la suivante : que sont devenus les soldats et les armes des 7 précédentes vagues non autorisées de l’armée ivoirienne introduites depuis 2019 au Mali ? Volatilisées dans la nature, avec autant de faux passeports que les 49 mercenaires du 10 juillet 2022 ? À ce jour, aucune réponse précise du régime ivoirien à son homologue malien sur cet épineux dossier. D’où la procédure judiciaire ouverte contre les 49 mercenaires ivoiriens, toujours en cours au Mali.

Le scandale sécuritaire ivoiro-malio-onusien

L’enquête malienne, mais aussi les déclarations officielles onusiennes et ivoiriennes révèlent que la mission de l’ONU au Mali, la MINUSMA avoue avoir passé une convention pour l’arrivée d’éléments nationaux de soutien ivoiriens au Mali depuis 2019, mais l’ONU-Mali précise que le régime ivoirien ne lui a jamais adressé d’éléments NSE depuis cette date et qu’on ne compte aucun élément NSE ivoirien dans les effectifs NSE présents au Mali en juillet 2022.  L’ambiguïté des déclarations du porte-parole de la MINUSMA, le sieur Olivier Salgado, dès l’arrestation des 49 mercenaires ivoiriens, aggravera le dossier, car d’une part Salgado veut dédouaner l’ONU, mais de l’autre, il veut couvrir le régime ! Qui a délivré des badges frauduleux de la MINUSMA aux soldats mercenaires ivoiriens, alors même que ni l’Etat malien, ni la MINUSMA n’avaient connaissance officielle de leur débarquement le 10 juillet 2022 au Mali ? Le double jeu potentiel des fonctionnaires onusiens au Mali est ainsi mis en lumière. L’expulsion d’Olivier Salgado[5] du Mali est loin d’avoir soldé le différend[6] diplomatique né de cette collusion MINUSMA-régime ivoirien.

Le scandale sécuritaire ivoiro-malio-germano-onusien

Les militaires ivoiriens interrogés au Mali ont invoqué leur participation au soutien du contingent allemand membre de la MINUSMA. Ceci inévitablement engage l’Etat allemand dans le scandale. Et la déclaration tonitruante de la ministre allemande de la défense, ordonnant avec mépris aux autorités maliennes de libérer les soldats ivoiriens arrêtés le 10 juillet 2022 à Bamako viendra confirmer cette collusion. Citons la ministre allemande de la défense, Christine Lambrecht, s’exprimant le 13 juillet 2022 :

« Le comportement des dirigeants maliens est un signal très problématique. Ici, malheureusement, de sérieux doutes surgissent de nouveau quant à savoir si le Mali montre un quelconque intérêt pour une coopération constructive dans le cadre de la (Minusma) Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali […] J’appelle les autorités du Mali à libérer immédiatement les soldats ivoiriens »[7]

En effet, au-delà des effets de manche de la sortie diplomatique allemande, comment justifier qu’au mépris des règles de nations unies, rappelées par la MINUSMA dans sa réponse à la demande d’explication malienne, l’Allemagne se soit permise d’utiliser sur le sol malien, des militaires ivoiriens au service de son contingent ? Le gouvernement allemand, qui s’est empressé ensuite de nier[8] des liens avec les 49 mercenaires ivoiriens, ne s’est plus publiquement expliqué sur cette affaire depuis lors, laissant ouverte la brèche d’une crise diplomatique que les conclusions de l’enquête judiciaire malienne pourraient ouvrir entre Berlin et Bamako.

Un scandale économico-sécuritaire ivoiro-malio-onusien

Ici rentre en jeu la société Sahelian Aviation Services (SAS) réputée offrir des services logistiques de transport aérien et terrestre à l’ensemble des forces de sécurité en présence sur le sol malien et nommément indiquée par le contingent venu de Côte d’Ivoire comme bénéficiaire de ses services. Jusqu’ici, les responsables de cette entreprise, suspecte de combiner des actionnaires ivoiriens, maliens et sénégalais issus des élites politiques de ces pays, n’ont pas daigné s’expliquer devant l’opinion sur leurs implications répétées dans cet imbroglio. Mais la question est : comment comprendre qu’un Etat, la Côte d’Ivoire, mette son armée au service d’une entreprise privée dans un pays étranger, le Mali ? Mieux : comment comprendre que la société SAS salarie des soldats ivoiriens sur le sol malien, à la barbe de l’ONU et à la barbe de l’Etat malien ? Comment cadrer ce mercenariat ivoirien organisé en plein aéroport international et dans tout le territoire malien depuis au moins 2019, quand on sait que des armes de guerre lourde ont circulé amplement dans le cadre desdites activités ?

Nous pouvons dès lors conclure la deuxième partie de notre investigation. L’arrestation des 49 mercenaires ivoiriens révèle au minimum que le Mali est infiltré par une véritable armée de l’ombre dirigée par le régime d’Alassane Ouattara depuis 2019[9]. On peut estimer qu’en raison de 50 soldats par envoi, cette armée de l’ombre pourrait avoir au minimum 400 membres immergés avec leurs faux passeports et leurs armes de guerre dans le territoire malien, car ni leurs listes, ni leurs localisations, ni leurs preuves et dates d’entrée et de sortie du Mali ne sont à ce jour maîtrisées. Ladite armée de l’ombre, introduite au minimum en huit vagues, comme l’ont reconnu les autorités ivoiriennes[10] elles-mêmes, aura certainement bénéficié de complicités maliennes, onusiennes, allemandes, politiques et économiques internationales. Et c’est tout cet écheveau que l’enquête judiciaire malienne, mais aussi la négociation diplomatique ivoiro-malienne à travers la médiation du Togo, essaient à présent de démêler.  Intéressons-nous à cette dernière initiative pour conclure cette analyse.

Pourquoi l’initiative diplomatique sur l’affaire des 49 mercenaires ivoiriens patine

Il convient d’emblée de préciser que la première initiative diplomatique dans cette affaire fut malienne. Dès l’après-midi du 10 juillet 2022, les autorités maliennes prennent attachent avec les autorités ivoiriennes et demandent des explications sur cette entrée illégale, illégitime et dangereuse de militaires ivoiriens armés dans leur sol. Elles affirment avoir été confrontées au mur du silence et de la dénégation des autorités ivoiriennes. Citons le communiqué du gouvernement malien du lundi 11 juillet 2022 :

« Le Gouvernement de la Transition informe l’opinion nationale et internationale que le dimanche 10 juillet 2022, entre 11 heures et 13 heures, deux aéronefs immatriculés ZS-BBI et UR-CTH, en provenance de la République de Côte d’Ivoire, transportant quarante-neuf (49) militaires ivoiriens avec leurs armements et munitions de guerre, ainsi que d’autres équipements militaires, ont atterri à l’Aéroport International Président Modibo KEITA Sénou.

Grâce au professionnalisme des Forces de Défense et de Sécurité maliennes, il a été établi que les quarante-neuf (49) militaires ivoiriens se trouvaient illégalement sur le territoire national du Mali. Par conséquent, ils ont été immédiatement interpellés et leurs armements, munitions et équipements ont été saisis. Des premiers constats effectués, il ressort que :

1. Ces militaires dont une trentaine des forces spéciales, étaient en possession d’armes et de munitions de guerre, sans ordre de mission ni autorisation ;

2. La profession réelle des militaires était pour la plupart dissimulée. Sur la majorité des passeports des militaires interpellés, les professions inscrites étaient les suivantes : étudiants, chauffeurs, maçons, mécaniciens, vendeuses, électriciens, vigiles, peintres, etc. ;

3. Quatre (4) versions différentes ont été avancées par les militaires interpellés pour justifier leur présence sur le territoire malien, à savoir : la mission confidentielle, la rotation dans le cadre de la Mission multidimensionnelle Intégrée des Nations Unies pour la Stabilisation au Mali (MINUSMA), la sécurisation de la base logistique de la compagnie aérienne « Sahelian Aviation Services » et la protection du contingent allemand. Pour en savoir davantage, des responsables des Forces de Défense et de Sécurité maliennes ont contacté immédiatement leurs homologues ivoiriens. Ces derniers ont affirmé qu’ils ignoraient tout de la présence des militaires ivoiriens interpellés au Mali.

Le Gouvernement de la Transition rappelle que dans un cas comme dans l’autre des versions avancées par les militaires étrangers interpellés, le déploiement de personnel militaire ainsi que de leurs armements est rigoureusement encadré par des procédures qui n’ont pas été respectées. En outre, interrogée par les autorités maliennes, la MINUSMA a indiqué qu’elle n’avait pas de rotation prévue, le 10 Juillet 2022. Le Gouvernement de la Transition, après une analyse des faits et sans préjuger de la suite qui sera réservée à cette affaire par les autorités judiciaires, a relevé les manquements et infractions suivants :

1. La non-information du Ministère des Affaires étrangères et de la Coopération internationale, par les canaux officiels, au sujet d’un déploiement de militaires ivoiriens ;

2. La violation flagrante des dispositions de l’article 38 du Code pénal malien incriminant les atteintes à la sureté extérieure de l’Etat dont l’atteinte à l’intégrité du territoire ;

3. La violation de la législation relative à l’aviation civile qui dispose que : 3.1. Tous les vols ont l’obligation de produire le manifeste-passagers et le manifeste-cargo avant le décollage ; 3.2. Le manifeste doit faire ressortir l’identification de l’ensemble des passagers de chaque vol ;

4. La violation des dispositions concernant la conduite en douane d’une part et d’autre part de celles régissant le régime d’importation temporaire prévue par les dispositions des articles 112, 113, 269, 270 et 273 de la Loi 2022-013 du 23 juin 2022 portant Code des Douanes de la République du Mali. »[11]

Après de longs jours de silence que le monde entier avait interprétés selon la vieille maxime « Qui ne dit mot consent », Alassane Ouattara émerge enfin de son sommeil dogmatique. La réaction officielle ivoirienne ne viendra que le 12 juillet 2022, soit 48 heures après l’initiative diplomatique malienne et à l’issue d’une réunion extraordinaire du Conseil National de Sécurité de Côte d’Ivoire, véritable instance suprême de guerre du régime d’Alassane Ouattara. On aurait pu s’attendre à un mea culpa, devant l’évidence flagrante des infractions dénoncées par la partie malienne. C’est à une attitude complètement contraire à ces attentes que les autorités du régime ivoirien vont se livrer. Et elle sera caractérisée par un démenti total des accusations maliennes et un ton condescendant, ordonnant impérativement la libération « immédiate et sans délai des soldats ivoiriens injustement arrêtés au Mali ». Lisons le communiqué ivoirien du 12 juillet 2022 :

« Le Chef d’État-major Général des Armées a fait une présentation sur les circonstances de la présence des 49 militaires ivoiriens sur le sol malien et de leur arrestation par les autorités maliennes. Contrairement aux allégations contenues dans le Communiqué N°034 du Gouvernement de Transition du Mali, du lundi 11 juillet 2022 :

 – Ces militaires sont régulièrement inscrits dans l’effectif de l’Armée ivoirienne et se trouvaient au Mali, dans le cadre des opérations des Éléments Nationaux de Soutien (NSE).

– La présence de ce détachement des Éléments Nationaux de Soutien est conforme aux mécanismes de soutien aux contingents des pays contributeurs de troupes dans le cadre des Missions de Maintien de la Paix et est bien connue des autorités maliennes. En effet, en vertu d’une convention signée, en juillet 2019, entre la Côte d’Ivoire et l’Organisation des Nations Unies, et conformément à un contrat de sécurisation et de soutien logistique signé avec la Société Sahel Aviation Service (SAS), des militaires ivoiriens sont présents à l’Aéroport de Bamako. Depuis cette date, 7 contingents se sont relayés périodiquement sur ce site, sans aucune difficulté.

– A leur arrivée au Mali, dans le cadre de la 8e rotation, le dimanche 10 juillet 2022, une copie de l’ordre de mission du contingent a été transmise aux autorités aéroportuaires maliennes, pour attester de la régularité de la mission. Le Ministère des Affaires Étrangères et de la Coopération Internationale ainsi que le Chef d’État-major des Forces Armées maliennes, en ont reçu copie.

– Aucun militaire ivoirien de ce contingent n’était en possession d’armes et de minutions de guerre, à sa descente de l’avion. Les armes du contingent, comme autorisées par les Nations Unies pour la protection personnelle et les cas d’auto-défense et selon les procédures en la matière, se trouvaient dans un second avion.

 Au regard de ce qui précède, le Conseil National de Sécurité demande aux autorités maliennes de libérer, sans délai, les militaires ivoiriens injustement arrêtés. »[12]

Cette posture diplomatique faite de déni et d’offensive victimaire du régime despotique ivoirien conduira les militaires ivoiriens arrêtés à le demeurer au Mali depuis lors, soit à présent plus de trois semaines, ce 2 août 2022.  Le bras de fer entre Alassane Ouattara et Assimi Goita venait ainsi de commencer sur le fond du passif politique lourd, opposant les deux régimes, depuis la chute du pouvoir d’Ibrahim Boubacar Kéita en 2020 au Mali. De part et d’autre de la scène, on retient son souffle. Qu’adviendra-t-il, maintenant que le despote ivoirien, arrivé au pouvoir en bonne partie grâce à la fameuse communauté internationale, menace le Mali ? La montagne du chef du RHDP accouchera vite d’une souris. Le ton menaçant de la diplomatie Ouattara fait vite long feu, tandis que se multiplient les désaveux de ceux qui auraient pu le tirer d’affaire. La mobilisation de hordes entières de cyberactivistes au service du dictateur ivoirien dans cette affaire n’aura jamais réussi, qui plus est, à vaincre la formidable colère des opinions populaires africaines contre le régime d’Alassane Ouattara, détesté en raison de son passif néocolonial, dictatorial et de déstabilisateur sous-régional récurrent.[13]

La mission de l’ONU au Mali[14], ciblée et touchée par l’expulsion de son sulfureux porte-parole Olivier Delgado, bat en retraite et lâche le dictateur ivoirien par une réponse détaillée à la demande d’explication du ministre malien des affaires étrangères, Abdoulaye Diop. Il ressort de cette réponse détaillée que les 49 militaires ivoiriens ne sont pas des éléments NSE et de la MINUSMA ; que la Côte d’Ivoire n’a pas respecté les termes de l’Accord signé en 2019 avec la MINUSMA ; que ni les armes, ni les hommes introduits par la Côte d’Ivoire de 2019 à 2022 au Mali n’ont été listés, estampillés ou reconnus comme effectifs de la MINUSMA ; et il en ressort enfin que la MINUSMA se dégage de toute responsabilité dans l’emploi privé des forces armées ivoiriennes pour une quelconque entreprise ou pour le contingent allemand au Mali. Un lâchage en plein vol qui laisse pantois, un Alassane Ouattara qui avait pourtant tenté, depuis l’Afrique du Sud, de se défausser sur la mission onusienne qu’il a ouvertement accusé de manque de transparence. L’hôpital qui se fout de la charité, en bonne et due forme. La note verbale de l’ONU[15] aux autorités maliennes, en date du 22 juillet 2022, achève ainsi de doucher les espoirs d’Alassane Ouattara de se faire couvrir par l’ONU pour tirer son épingle du jeu malsain qu’il pratiquait au Mali.

C’est alors qu’Alassane Ouattara, après deux semaines d’échec diplomatique, se tourne vers le Sénégal de Macky Sall et vers le Togo de Faure Gnassingbé, alors que s’ouvre le 22 juillet 2022 à Bamako, le procès de ses soldats-mercenaires arrêtés au Mali. Les autorités maliennes récusent la médiation sénégalaise, en raison du rôle nocif de la diplomatie sénégalaise dans les sanctions illégales, illégitimes et inhumaines imposées par la CEDEAO contre le Mali du 8 janvier 2022 au 3 juillet 2022. Le Président Assimi Goita valide en revanche la proposition togolaise, en reconnaissance du leadership positif du Togo pour la levée des sanctions anti-maliennes.

La médiation togolaise, ainsi confortée, commence aussitôt. Mais par un faux pas. Voulant ménager la chèvre et le chou, le chef de la diplomatie togolaise suggère dans l’un de ses tweets que c’est le Mali et non la Côte d’Ivoire, qui a demandé la médiation togolaise. Cette version fausse de l’affaire sera contestée par la partie malienne et remontera une bonne partie de l’opinion contre la médiation togolaise, soupçonnée de vouloir un peu trop facilement flatter le coupable Ouattara et flétrir le Mali, qui est pourtant la victime des déstabilisations d’Alassane Ouattara.[16]

Un deuxième événement fâcheux vient ternir le ciel de la négociation. L’attaque coordonnée avec plusieurs autres sur le territoire malien, de la garnison hautement symbolique de Kati[17], haut-lieu du pouvoir malien actuel, car lieu de résidence du Président Assimi Goita lui-même. L’attaque perpétrée par la Katiba Macina d’Amadou Koufa a lieu le jour d’ouverture du procès des 49 mercenaires ivoiriens, accréditant l’hypothèse d’une volonté de sabotage de ce procès et par conséquent d’une collusion d’intérêts entre les mercenaires d’Alassane Ouattara et les jihadistes d’Amadou Koufa, d’autant plus qu’une enquête du chercheur malien Dougoukolo Alpha Oumar Ba Konaré datant de 2018 établit que les véhicules utilisés par les faux jihadistes et les faux dozos qui incitent à la guerre intercommunautaire au centre-Mali sont tous immatriculés en Côte d’Ivoire.[18]

Lors donc que le 28 juillet 2022, le Chef de la Diplomatie malienne se rend au Togo, à la rencontre de la délégation Ivoirienne, ce quiproquo né de l’attitude condescendante et dangereuse du régime ivoirien plane sur l’ouverture des négociations. On sait aujourd’hui les trois conditions[19] essentielles posées par le Mali, pour une solution diplomatique négociée de l’affaire. Citons un extrait d’un document officieux, mais corroboré par plusieurs sources, qui résume la posture diplomatique malienne actuelle :

« À Lomé sous l’égide de la médiation Togolaise le jeudi 28 Juillet au sujet de l’arrestation des 49 mercenaires Ivoiriens, le Mali a demandé trois choses:

1) Que le Gouvernement de la RCI reconnaisse sa responsabilité et exprime des regrets suite au déploiement de militaires au Mali sans cadre légal, sans notification et concertation préalable avec les autorités Maliennes.

2) Que le Gouvernement de la RCI s’engage à œuvrer pour ramener la paix et la concorde entre le Mali et la RCI.

3)Que le Gouvernement de la RCI s’engage au respect de la souveraineté du Mali et des règles et procédures établies pour l’envoi de forces militaires en territoire Malien.

La prise en compte de ces demandes devrait ouvrir la voie à un règlement pacifique et politique du problème tenant compte des relations séculaires de solidarité, de fraternité, d’amitié, de respect mutuel et de bon voisinage qui unissent les peuples Ivoiriens et Maliens. »[20]

Comment le gouvernement ivoirien a-t-il réagi aux trois propositions diplomatiques maliennes ? Le site d’informations générales ivoiriennes l’Infodrome le raconte en long et en large dans les lignes suivantes :

« Le gouvernement malien a posé deux conditions majeures avant toute libération des 49 militaires ivoiriens arrêtés à leur descente d’avion, le 10 juillet dernier, à l’aéroport de Bamako.

Ouvertes jeudi dernier à Lomé au Togo, les négociations entre les délégations ivoiriennes et maliennes en vue de la libération des 49 soldats ivoiriens détenus au Mali sont au point mort. Selon RFI, qui livre l’information, la première phase de ces négociations conduites par Faure Yassingbé, le président togolais, s’est soldée par un cuisant échec.

 Les raisons d’échec

A en croire notre source, la partie malienne a exigé avant toute libération des soldats ivoiriens, que la Côte d’Ivoire exprime officiellement « des regrets », mais aussi que lui soit rendu « des ressortissants maliens », vivant en Côte d’Ivoire, ou simplement de passage, recherchés par la justice malienne.  Des propositions que la délégation ivoirienne conduite par Téné Brahima, le ministre ivoirien de la Défense, a formellement rejeté. 

    Se faisant plus précis, notre source indique que la Côte d’Ivoire a répondu « non » pour le premier point

Se faisant plus précis, notre source indique que la Côte d’Ivoire a répondu « non » pour le premier point.  Concernant le second point,  il a évoqué la séparation des pouvoirs législatif et judiciaire. La médiation a tourné court. Pourtant prévu, il n’y a finalement même pas eu de communiqué final sanctionnant la fin de la rencontre. Selon un témoin, les Ivoiriens ont quitté Lomé furieux. Mais dans l’entourage du président togolais, on confie qu’il poursuivra ses efforts afin de trouver une solution.

La délégation ivoirienne était conduite par Téné Birahima Ouattara, ministre d’État, chargé de la Défense et Fidèle Sarassoro, directeur de cabinet du président Alassane Ouattara, faisaient partie de la délégation ivoirienne.  Côté malien, la présence de Abdoulaye Diop, ministre des Affaires étrangères a été fortement remarquée. Les 49 militaires ivoiriens, faut-il le rappeler, sont toujours détenus au Mali depuis 3 semaines. »[21]

Cette version ivoirienne corrobore parfaitement le document officieux que nous vous citions plus haut. On y voit la psychorigidité du régime ivoirien à l’œuvre. Le culte du mensonge et le narcissisme prononcés du régime Ouattara peuvent seuls expliquer le refus de reconnaître les faits allégués par l’autorité malienne et la mission des Nations Unies. Mais la posture ivoirienne atteste surtout d’autre chose : Alassane Ouattara campe toujours, en ce 2 août 2022, dans la posture du déni, du mépris, de l’arrogance et de la condescendance envers l’Etat malien, qu’il considère comme un vassal qui aurait dû obéir « sans délai », à son injonction du 12 juillet 2022. Et c’est avec cette conviction que le Chef de la diplomatie malienne, l’Ambassadeur Abdoulaye Diop, est reparti de Lomé au Togo le 29 juillet 2022.

Je me permets de recommander ici une vidéoconférence[22] que j’ai délivrée sur les raisons profondes de l’incapacité d’Alassane Ouattara à souscrire aux trois conditions pourtant légitimes posées par le gouvernement malien, victime de la déstabilisation du despote ivoirien. Sous le titre « AFFAIRE DES 49 MERCENAIRES D’ALASSANE OUATTARA : LES 3 CONDITIONS DIPLOMATIQUES DU MALI », que vous retrouverez aisément sur ma chaîne youtube, j’y démontre que tout, dans le parcours politique d’Alassane Ouattara depuis son entrée par effraction dans la vie politique ivoirienne en 1989 jusqu’à nos jours, le prédispose au refus de la négociation en situation de tort. Des facteurs autobiographiques traumatiques se combinent avec une carrière politique essentiellement accélérée par la trahison fructueuse de ses alliés politiques successifs, mais aussi l’usage abusif de la ruse, du mensonge et de la violence politique chaque fois qu’il en a eu les moyens.

 Résultat des courses ? Alassane Ouattara est l’incontestable responsable de l’enlisement de l’affaire débutée le 10 juillet 2022 par sa énième violation de la souveraineté du Mali. C’est son incurie persistante qui conduit aujourd’hui à la mise au Mali sous mandat de dépôt pénitentiaire des 49 mercenaires ivoiriens et l’acheminement vers de lourdes condamnations judiciaires pour ces infortunés soldats employés comme une milice privée du régime Ouattara hors de leurs frontières.

Lâché par l’ONU, abandonné par une CEDEAO, une Union Africaine, une Union Européenne et une France devenues aphones sur l’affaire de ces 49 mercenaires, le despote ivoirien effectue sa plus grande traversée du désert des relations internationales depuis son arrivée au pouvoir en 2010.

La cause profonde de cette désillusion est connue :  l’amateurisme diplomatique d’Alassane Ouattara provient de cette incapacité quasi congénitale du personnage à se remettre en cause, à avouer ses torts et à accepter la réalité politique, que nous avons amplement analysée dans notre ouvrage de 2021, La terrible razzia des Ouattara et le leadership résistant de Guillaume Soro.[23] Nous ne saurions que trop recommander la prise de connaissance de ce travail pour mieux comprendre la tragédie ivoirienne contemporaine.


[1] https://www.courrierinternational.com/article/presidentielle-dix-ans-de-crise-en-cote-divoire-une-election-et-le-spectre-de-nouvelles-violences

[2] https://www.courrierinternational.com/article/cote-divoire-lhypothese-malsaine-dun-troisieme-mandat-de-ouattara

[3] https://www.lapresse.ca/international/afrique/2020-11-14/violences-en-cote-d-ivoire/plus-de-10-000-personnes-quittent-le-pays.php

[4]https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/mercenaire/50576  « Soldat qui sert à prix d’argent un gouvernement étranger. »

[5] https://www.france24.com/fr/afrique/20220720-le-mali-expulse-olivier-salgado-porte-parole-de-la-minusma

[6] https://www.francetvinfo.fr/monde/afrique/politique-africaine/au-mali-les-difficultes-se-multiplient-pour-la-mission-de-l-onu_5269999.html

[7] https://www.aa.com.tr/fr/monde/lallemagne-appelle-le-mali-%C3%A0-lib%C3%A9rer-imm%C3%A9diatement-les-soldats-ivoiriens-arr%C3%AAt%C3%A9s/2636506

[8] « Du côté de l’ambassade d’Allemagne, on nie être à l’origine du recrutement. «Il n’y a pas de lien direct entre ces soldats ivoiriens et nous», assure un diplomate allemand. » https://www.liberation.fr/international/afrique/49-soldats-ivoiriens-arretes-au-mali-pourquoi-une-simple-releve-a-tourne-a-lincident-diplomatique-20220712_IBEUXBUITVDZFCTB76FQ7MAPTU/

[9] https://www.rfi.fr/fr/afrique/20220712-la-c%C3%B4te-d-ivoire-demande-au-mali-de-lib%C3%A9rer-sans-d%C3%A9lai-ses-militaires

[10] « Des militaires ivoiriens sont présents à l’aéroport de Bamako, depuis juillet 2019 et la signature d’une convention avec les Nations unies, précise le communiqué. « Depuis cette date, 7 contingents se sont relayés périodiquement sur ce site, sans aucune difficulté », ajoutent les autorités ivoiriennes qui indiquent avoir transmis « une copie de l’ordre de mission » à Bamako. https://www.voaafrique.com/a/la-c%C3%B4te-d-ivoire-demande-au-mali-de-lib%C3%A9rer-sans-d%C3%A9lai-49-militaires-injustement-arr%C3%AAt%C3%A9s-%C3%A0-bamako/6655647.html ;

[11] https://www.maliweb.net/communique/communique-du-gouvernement-de-la-transition-sur-laffaire-des-49-soldats-ivoiriens-arretes-a-laeroport-international-modibo-keita-de-bamako-2983192.html

[12] https://news.abidjan.net/articles/710107/cote-divoire-le-conseil-national-de-securite-demande-aux-autorites-maliennes-de-liberer-sans-delai-les-militaires-ivoiriens-injustement-arretes-communique

[13] https://www.leseditionsdunet.com/livre/derive-dictatoriale-en-cote-divoire

[14] https://netafrique.net/mali-lonu-desavoue-les-propos-dalassane-ouattara-sur-les-49-militaires-ivoiriens-arretes-au-mali/

[15] https://www.camerounweb.com/CameroonHomePage/africa/49-soldats-ivoiriens-au-Mali-voici-le-document-de-l-ONU-qui-d-savoue-Ouattara-673034

[16] https://www.leseditionsdunet.com/livre/derive-dictatoriale-en-cote-divoire

[17] https://www.dw.com/fr/mali-attaque-du-camp-de-kati-interrogations/a-62582993

[18] https://www.lemonde.fr/afrique/article/2019/01/02/entre-faux-djihadistes-et-faux-dozos-les-civils-pieges-dans-le-centre-du-mali_5404434_3212.html

[19] https://www.linfodrome.com/politique/79502-liberation-des-49-militaires-ivoiriens-le-mali-pose-deux-conditions-la-cote-d-ivoire-dit-niet

[20] Sources officieuses maliennes, confirmées par plusieurs recoupements, y compris dans la presse africaine. https://www.linfodrome.com/politique/79502-liberation-des-49-militaires-ivoiriens-le-mali-pose-deux-conditions-la-cote-d-ivoire-dit-niet

[21] https://www.linfodrome.com/politique/79502-liberation-des-49-militaires-ivoiriens-le-mali-pose-deux-conditions-la-cote-d-ivoire-dit-niet

[22] AFFAIRE DES 49 MERCENAIRES D’ALASSANE OUATTARA : LES 3 CONDITIONS DIPLOMATIQUES DU MALI https://www.youtube.com/watch?v=A8Qesum2eNY&t=3366s

[23] https://www.decitre.fr/ebooks/la-terrible-razzia-des-ouattara-et-le-leadership-resistant-de-guillaume-soro-9791023621341_9791023621341_10015.html

Publié par Institut de l'Afrique des Libertés, Dr Nyamsi Wa Kamerun Wa Afrika

Docteur en philosophie, je suis auteur de nombreux ouvrages littéraires, politiques et philosophiques. Citoyen du monde engagé pour l'Etat de droit et la démocratie en Afrique comme ailleurs, je crois que la réussite consiste à toujours bien entreprendre.

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